INVITATION À DÉBATTRE
Pour rappel, DpA vous invite à débattre lors d’une visioconférence le vendredi 5 mars à 19h : https://us02web.zoom.us/j/84618377371?pwd=QkJ1WG9aVFZ1OG9Sck5taU1KTERnQT09
ID de réunion : 846 1837 7371 – Code secret : 509557
Bonne lecture de l’interview ci-dessous !
L’interview originale est disponible ici : https://www.darchitectures.com/
INTERVIEW D’A (Repost)
Le second tour des élections ordinales va prendre fin le 8 mars 2021. Pour faire suite à l’entretien mené avec la liste Mouvement des Architectes publié dans le but de mobiliser l’électorat, nous donnons la parole à la liste Défense profession Architecte qui se présente également au Conseil régional de l’Ordre des architectes d’Île-de-France. La discussion a été menée avec Vanessa Fernandez, Marie-Jeanne Jouveau et Jean-François Parent candidats aux élections ordinales en IDF lors du second tour et avec Émilie Bartolo, actuelle représente de l’Ordre régional sur cette même liste.
D’a : Quels sont les enjeux de ces élections ordinales 2021?
Vanessa Fernandez : Il me semble que nous assistons à un changement de paradigme. La profession, sous sa forme individualiste, arrive à un certain constat d’échec après avoir été malmenée par les acteurs de la construction. Il y a une prise de conscience amenant un changement dans la profession et dans son système représentatif. Il y a beaucoup de confusion autour de l’accès à l’Ordre des architectes. Beaucoup ne se sentent pas représentés, ce qui peut expliquer la faible participation aux élections ordinales dans la région. L’institution s’adresse apparemment à une certaine catégorie de maîtres d’œuvre. La représentativité d’une pratique quotidienne, plus ordinaire mais néanmoins indispensable, n’est pas assez considérée. Elle concerne pourtant une grande partie de confrères, qui peuvent se sentir oubliés des débats. Il faut recentrer le débat sur des questions concrètes liées aux territoires. La région Île-de-France tend à oublier la condition suburbaine et le rôle des architectes dans la préservation d’un cadre de vie qualitatif, au-delà des limites de Paris. Une représentativité équitable de nos territoires doit être respectée dans les institutions et dans les discussions y prenant place. Cela ne veut pas dire qu’il faut écarter les débats nationaux, au contraire, mais aussi voir comment ils se traduisent sur le terrain, au quotidien.
Marie-Jeanne Jouveau : Nous sommes en train de perdre la maîtrise d’œuvre d’exécution, et avec elle nous allons voir disparaître les phases PRO/DCE. Nous ne serons plus capables de tenir la qualité de l’œuvre architecturale, d’autant plus que cette perte de missions s’accompagne dans de nombreux contrats d’une suppression de la propriété intellectuelle. Le plus inquiétant, c’est que cela fragilise la loi sur l’architecture de 1977. C’est dommageable, pour les architectes, pour l’intérêt général, et donc pour les maîtrises d’ouvrage également, qui ont tout à y perdre, mais qui, par méconnaissance du rôle de l’architecte, pensent qu’il est responsable de leurs problèmes.
D’a : Comment expliquez-vous cette faible mobilisation lors du premier tour des élections ordinales ?
Jean-François Parent : La mobilisation ne se réduit pas au seul moment des élections. Elle doit être quotidienne chez les architectes. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et on l’a vu hier par exemple avec la loi ELAN contre laquelle il nous a été difficile de nous mobiliser alors que nous en mesurions les effets négatifs pour tous et en particulier pour notre profession. Les élections permettent de rappeler l’importance de cet engagement collectif pour une profession qui souffre. Cependant, l’isolement – souvent produit d’une forme d’individualisme, la représentation que l’on se fait de l’architecte (chez les architectes comme dans le « grand public ») –, sont des sujets que nous devons aborder plus profondément. Ce n’est pas le cas aujourd’hui dans les instances représentatives. C’est pourquoi, nous souhaitons travailler avec l’ensemble des élus, les architectes et les jeunes en formation à un Ordre qui réponde à ces attentes et aux nouvelles exigences de notre métier dans sa diversité. Le faible engagement, 16 % de votants dans la région, qui rassemble un tiers des architectes, c’est catastrophique ! Cela doit interroger nos organisations représentatives. Une réflexion de fond doit être menée sur et avec l’Ordre comme outil institutionnel, pour mieux nous situer et nous affirmer dans la société. Comment être impliqué, comment s’engager, comment s’épanouir, si nous ne sommes pas pleinement inscrits dans notre environnement social ? C’est à l’Ordre de nous aider à dynamiser cette implication.
D’a : Y a-t-il une nécessité de re-légitimer la parole de l’Ordre ? Comment imaginez-vous l’Ordre au travers de votre liste ?
Jean François Parent : Il n’y a pas à re-légitimer une parole mais plutôt à renforcer sa légitimité. L’ensemble des organisations existantes doivent être en première ligne. Il en va de l’intérêt de la profession mais plus largement de l’intérêt collectif pour l’amélioration et la transformation du cadre bâti. La légitimation de l’action doit primer, d’où l’importance à ce que les architectes fassent corps, afin d’être au cœur des préoccupations actuelles. On peut distinguer trois niveaux dans l’action de la profession et de ses institutions : le national (voire l’international), le régional et le local, c’est-à-dire le territoire où nous travaillons et développons notre pratique quotidienne dans sa diversité. De notre point de vue, il s’agit aujourd’hui, par une vision transversale, de mieux articuler ces trois niveaux d’actions dans une double dialectique où chaque « instance » à ses prérogatives mais où le Conseil régional joue un rôle moteur de la dynamique professionnelle. Le Conseil national de l’Ordre des architectes est l’interlocuteur privilégié de l’État et il faut renforcer sa position vis-à-vis des institutions. Le Conseil régional – enjeu de ces élections et pour lequel nous nous sommes engagés dans cette campagne – peut être le lieu privilégié de cette articulation dynamique. Lieu de la réflexion, de la confrontation, de l’expérimentation en lien avec les territoires pour l’affirmation de la profession. Notre profession mute, et il faut que ceux qui nous représentent (l’Ordre mais également les syndicats) puissent se transformer et correspondre au mieux aux nouvelles problématiques émergeantes.
Émilie Bartolo : Le respect de la rémunération est également un sujet au cœur de notre action. L’amende de la haute autorité de la concurrence auprès de l’Ordre national des architectes il y a deux ans aurait été l’occasion d’ouvrir le débat au sein de la profession. Nous demandons les moyens de pouvoir faire une architecture qualitative et cela passe par un salaire décent. Un système de barème plancher permettrait de reprendre la main collectivement sur un une concurrence creusant les disparités d’honoraires. L’Ordre des architectes allemand, appuyé par le Gouvernement fédéral, a tenté de conserver son barème d’honoraire. Si la bataille a été perdue, elle a eu le mérite d’être menée et ça n’est pas le cas en France ! N’est-il pas temps d’ouvrir une large mobilisation pour une juste rémunération ? L’Ordre des architectes est l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, il a le pouvoir de mettre le sujet sur la table. Il est nécessaire d’inverser la tendance et de mettre en avant les sujets que la liste DpA défend, pour cela il faut faire corps et porter nos valeurs collectivement devant nos interlocuteurs.
D’a : Allez-vous vous inscrire dans une continuité ou bien renouveler le débat au sein du conseil régional ?
Émilie Bartolo : La stratégie a toujours été la même : travailler sur les sujets, réagir lorsque c’est nécessaire. Au-delà d’une participation aux missions régaliennes, l’objectif est d’être présent à l’ensemble des réunions officielles du conseil régional de l’Ordre. Nous portons la position de DpA en essayant d’obtenir du CROAIF des infléchissements, des prises de positions publiques. Il y a également une mission de lien entre l’Ordre et les acteurs qui n’y sont pas. L’intérêt pour une association comme DpA d’être à l’Ordre, c’est d’obtenir des informations afin de pouvoir les partager aux confrères. Sur des sujets important comme la loi ELAN, ça a permis de faire le lien entre les institutions et les débats prenant place. Bien que nous ne puissions pas agir sur le processus de l’exécutif de l’Ordre, cette transmission est cruciale. C’est un moyen de faire vivre l’institution pour que les architectes se saisissent de celle-ci.
Jean François Parent : Les 16 % de votants nous montrent une défiance des architectes vis-à-vis l’Ordre, particulièrement en Île-de-France où jamais n’a été « atteinte » une participation aussi faible. Il est donc impératif de s’interroger, dans un esprit confraternel mais engagé, sur les raisons de cette situation. Situation révélatrice et à dépasser. Notre profession est déjà partiellement marginalisée dans la société mais surtout dans les lieux et aux seins des organismes où se décide, se dessine l’avenir de nos territoires, de nos villes, de nos lieux de vie. Si « continuités » il doit y avoir, c’est donc bien avec l’extérieur qu’elles sont à travailler et développer. Il semble en effet urgent d’œuvrer collectivement à la création de relations fortes avec notre environnement (au sens large) pour valoriser un métier que nous apprécions tous malgré les difficultés. Ce qui invite, de notre point de vue, à un certain nombre de ruptures « politiques » et, pour le moins, à des clarifications et changements dans la vie ordinale. Nous voulons donc être à la fois un stimulant au sein de notre institution comme pour la profession pour engager cet indispensable débat.
D’a : Quel message l’Ordre peut-il adresser aux jeunes architectes ou aux architectes diplômés d’État qui ne sentent pas concernés ?
Marie-Jeanne Jouveau : Notre formation manque de bienveillance, c’est une formation violente, qui favorise l’individualisme de notre profession. La variété de métiers auxquels nous pouvons accéder est riche et ne se limite pas à la maîtrise d’œuvre, cela doit être valorisé et encouragé pendant la formation. C’est même très important que des architectes soient présents dans toute la chaîne de l’acte de bâtir, en amont du projet, là où se prennent les décisions et où se construit la ville. Il faut au moins 10 ans pour former un architecte. Une partie de cette formation se fait à l’école, et que cette partie soit plus théorique n’est pas un problème. Une autre partie se fait en agence, et nos agences doivent accepter le rôle de formation dont notre profession a besoin. On voit beaucoup d’annonces de recrutement pour de jeunes architectes avec déjà 2 ou 3 ans d’expérience, où on leur demande d’être autonome, d’avoir fait du chantier et de maîtriser un logiciel parfaitement, ce qui n’est pas possible. Accueillir un jeune architecte dans son agence c’est accepter de le former.
Vanessa Fernandez : Le monde concurrentiel ne semble plus être un modèle auquel adhèrent les étudiants aujourd’hui. Ils comprennent que cela leur nuit fondamentalement. D’autant plus qu’ils sont persuadés que le collectif a un rôle majeur à jouer. La mentalité a évolué et est différente : l’idée que l’architecte veuille absolument apposer sa signature semble désuet. Il s’agit plutôt d’agir socialement en valorisant les savoir-faire de tous les architectes dans leur diversité. Notre liste veut intégrer les ADE dans les débats menés dans cette instance représentative qu’est l’Ordre. Le système de doubles-diplômes hiérarchisés (ADE et HMONP) entretient cette mise à l’écart d’une partie de la profession qui ne se sent pas légitime d’être représentée, alors que nous partageons diplômes et compétences.
D’a : Quels thématiques la crise a-t-elle permis de mettre en avant dans ces revendications portées pour ces élections du CROAIF ?
Vanessa Fernandez : Il y a un parallèle entre la crise sanitaire, la crise de représentation des médecins, et notre profession. L’écart entre ceux qui participent aux institutions en prenant part aux grandes directives et ceux qui sont sur le terrain et observent des décalages entre les prises de décisions et la réalité du terrain se creuse. Il faut inverser ce schéma où l’institution dit au praticien exerçant sur le terrain comment faire. Il en va de même pour le monde de l’architecture. C’est une voix plurielle plutôt qu’un discours formaté et unique que nous promouvons. Il faut apporter des réponses à des besoins de manière constructive. La crise sanitaire a bloqué les gros chantiers, mais elle a également fait exploser les commandes privées d’extensions et de rénovations en banlieue. Les Franciliens se retrouvent à étudier et travailler à la maison à quatre avec des contraintes multiples alors que l’on manque d’espace. Les problématiques sont concrètes. Bien que ce ne soit pas le type de commandes le plus « glamour » et glorieux, c’est une demande forte qui se développe et un cadre d’exercice digne et engagé. Ouvrons la discussion sur ces types de pratiques tout comme on ferait bien d’écouter les médecins généralistes de terrain pour savoir comment traiter l’épidémie plutôt que les directives ministérielles.
Jean-François Parent : On s’est rendu compte durant cette année de « crise sanitaire » à l’échelle planétaire, de l’importance de notre profession. En effet, la crise que nous vivons aujourd’hui est avant tout le produit d’une crise beaucoup plus profonde, plus ancienne, dénoncée depuis longtemps par les architectes : celle de l’aménagement du territoire, celle d’un modèle de développement urbain, celle de nos façons d’habiter (elles-mêmes produits d’une crise systémique)… Cette situation a montré la pertinence de nos analyses, de nos façons de comprendre l’évolution de nos sociétés, de nos capacités d’appréhender et d’anticiper certaines situations inconnues pour contribuer à la résolution collective des problèmes nouveaux qu’elles posent à tous. Malheureusement, nous ne sommes pas assez audibles, écoutés… Les batailles menés depuis de nombreuses années – pour le logement, en particulier un Habitat à Loyer Modéré, pour le développement d’outils publics de production du cadre bâti, pour résoudre la crise de l’habitat à l’échelle planétaire – n’ont pas été suffisamment portées, pour le moins au plan national. Cette situation nous a amenés à accepter une certaine banalisation de nombreux de phénomènes urbains : étalement urbain, marchandisation de la production, bidonvilisation… Mais cette crise montre aussi, par contraste, notre éloignement des lieux de débats, de décisions concernant les grands enjeux sociétaux auxquels nous sommes confrontés, et pour lesquels nos analyses et propositions sont centrales. Nous revenons ainsi à la première question concernant le rôle de l’Ordre. Il est fondamental d’être dans tous les lieux où les grandes questions organisant notre vie quotidienne sont débattues. En France, notre absence de discussions est regrettable. Il faut que les architectes soient au cœur des décisions politiques au-delà même de leurs domaines de compétences. L’Ordre doit être le stimulateur de ces combats, il doit pousser les architectes à s’y engager… Et cela commence, pour nous, par le vote pour ce second tour d’élection.
Plateforme de vote en ligne – les identifiants et mots de passe ont été envoyé par mail aux architectes inscrit à l’Ordre (Objet : Election CROA 2021 – VOS CODES POUR VOTER AU 2nd TOUR) https://vote.election-europe.com/Elections-architectes/