Franchir le seuil des 170m2 : la tribune du président du CROAIF

A retrouver sur le site du CNOA – 4 mars 2011

par Bernard Mauplot, président de l’ordre des architectes d’Ile-de-France :

L’ordre des architectes en Ile-de-France est favorable à la disparition de tous les seuils limitant l’intervention des architectes. Ces seuils sont contraires aux attendus de la loi de 1977, et ne servent pas l’intérêt public. C’est une question de bon sens. Ce n’est pas une revendication protectionniste.
Pour autant, constatons que la question de ces exceptions au recours obligatoire à l’architecte fait débat depuis plus de trente ans, sans réponse prospective associée ; particulièrement pour ce qui concerne le seuil des 170 mètres carrés, dont l’enjeu principal réside dans la production de masse de la maison individuelle en France.
Le service gratuit de l’architecture pour tous les citoyens prévu par la loi de 1977, et accessible dans les CAUE, n’a pas suffi à compenser les effets néfastes des seuils, en termes de qualité du cadre bâti…
La suppression du seuil des 170 m², qui impacte directement la dépense des ménages, ne sera pas comprise pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une application cohérente de la loi sur l’architecture, tant qu’elle ne sera pas accompagnée de contreparties qui valorisent l’apport des architectes.
Si l’on met en avant l’utilité publique d’une profession, il faut que cette utilité soit valorisée par rapport à la situation antérieure. L’obligation légale vis-à-vis de tous est d’abord perçue comme la protection de certains… et on ne protège que les espèces en voie de disparition.
Les architectes n’ont aucun intérêt à entrer dans cette catégorie. Sortons donc de ce débat sans issue concrète, et soyons créatifs.
En l’absence d’un consensus sur la suppression de tous les seuils qui restent en contradiction avec les objectifs affichés de la loi sur l’architecture, les architectes doivent proposer des alternatives. Personne ne le fera à leur place. Une méthode pour y parvenir réside dans la disparition des seuils, de fait et sans contrainte, par l’incitation et la valorisation de la compétence des architectes.
Des mesures réglementaires ou fiscales favorisant l’intervention des architectes réaffirmeraient l’intérêt public à améliorer la qualité des paysages construits. Le caractère social de telles mesures permettrait que l’architecte ne soit pas perçu comme un surcoût dans un marché uniquement concurrentiel, mais comme une nécessité dans un champ d’intérêt public intéressant le cadre de vie et l’aménagement du territoire.
L’obligation systématique au recours à l’architecte pour les particuliers, sans contrepartie, risque de favoriser les signatures de complaisance, tandis que l’incitation peut au contraire favoriser la lutte contre le dumping. Dès lors, les architectes sauront accueillir 160.000 permis de construire supplémentaires par an, dans des conditions de compétence et de viabilité économique avérée.
Permis de construire tacite après un délai de silence de l’administration, instruction simplifiée, délais réduits, TVA réduite sur les travaux neufs, subvention sur les honoraires, défiscalisation des honoraires d’architecte, ou toutes autres mesures montrant l’attachement de la collectivité à améliorer son cadre de vie permettront de s’affranchir du seuil des 170 m², dans l’intérêt de tous et sans contrainte.
Quand l’intérêt général croise l’intérêt de chacun et celui d’une profession, les solutions se font jour. Elles sont à notre seuil. Il suffit de le franchir.

 

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