Préface
L’exercice d’un mandat associatif, syndical, professionnel ou politique, fait partie des possibilités qui sont offertes par la vie en société.
Ce n’est pas « chose » facile.
Il demande des connaissances, de la persévérance, de l’aptitude au travail en commun, toutes qualités qui ne sont pas innées mais qui peuvent s’acquérir.
La notion de « mandat » est prévue par le Code Civil. Il s’agit d’un contrat passé entre une personne, le mandant, et une autre personne, le mandataire, de pouvoir faire un ou des actes en son nom et pour son compte.
DpA, acronyme de « Défense profession Architecte », est la dernière association, à vocation professionnelle, qui a été créée dans le milieu de l’architecture. Ses statuts ont été régulièrement déposés et publiés au Journal Officiel de la République Française.
Elle est administrée par un Conseil d’Administration représenté par un président… en l’occurrence, actuellement, par une présidente. Née depuis 7 ans, DpA est issue du « Comité pour les Etats Généraux de l’Architecture » et a été reconnue par le Conseil National de l’Ordre des Architectes comme une organisation représentative de la profession au même titre que d’autres associations ou syndicats plus anciens.
Elle participe aux élections ordinales depuis 2010. A cette occasion, une liste de 12 candidat[e]s à été présentée en région Ile de France sous l’étiquette « DpA » dont 5 ont été élu[e]s à l’issue des deux tours de scrutin.
- Edith GIRARD [décédée], Sylvie BOULANGER, Emilie BARTOLO [1er tour] ;
- Jacques HESTERS, Olivier DE CERTEAU [2ème tour].
Aux élections ordinales de 2013, ce sont 42 candidat[e]s sous l’étiquette DpA, toutes régions de métropole et d’outre-mer réunies, qui ont été élu[e]s. A la veille des élections ordinales de 2017, il était important de permettre à trois élu[e]s sortants de la région Ile de France de rendre compte de leur mandat.
Emile BARTOLO [EB], Olivier DE CERTEAU [OdC], Jacques HESTERS [JH], se sont retrouvés autour de Gérard Claude MORFIN [GCM] pour une interview croisée qui a été enregistrée le 22 mai 2017. C’est l’essentiel des thèmes issus de cet enregistrement qui est proposé et qui se trouve retranscrit dans le document ci-après.
GCM
Interview
— Vous êtes porteur d’une parole qui n’avait pas droit de cité au sein de l’institution ordinale avant 2010, et, plus largement, dans la communauté des architectes. Quel est l’élément déclencheur qui vous a amené à présenter une liste complète aux élections ordinales de 2010 ?
JH – Sollicité par le bureau de DpA, j’ai accepté de me présenter aux élections ordinales pour militer plutôt que pour être élu. Je faisais le constat que la situation des architectes, et celle de mes amis, se dégradait… et je souhaitais aussi m’engager sur le problème du diplôme unique et de la HMO. Ces deux raisons majeures – situation sociale des archis et statut des jeunes diplômés avec ou sans la HMO – m’ont motivé pour militer et, à l’occasion, me présenter sur une liste DpA dont une profession de foi était en cours d’élaboration.
Je pensais que les élus en place, que ce soit au CNOA ou au CROAIF, n’apportaient pas de réponses satisfaisantes et ne se posaient pas les bonnes questions!
EB – Moi, c’est pour la HMO !
Je suis diplômée depuis fin 2007, la dernière promotion de DPLG. Je me suis beaucoup battue, en tant qu’étudiante, contre la réforme LMD, et notamment la HMO que l’on considérait comme une « licence d’exercice ». Et j’étais très inquiète pour le devenir de la profession avec ce diplôme à deux vitesses qui dévalorisait, pour moi, l’essence même de notre métier. C’est-à-dire, qu’un architecte qui sort de l’école, sans droit de construire, c’est un non-sens pour moi ! – même si on ne souhaite pas exercer « en son nom propre » toute sa carrière, c’est différent si on en a le droit ou si on ne peut pas le faire parce qu’il manque le sésame – Et ça m’inquiétait plus en tant que future architecte qu’en tant qu’étudiante ! La présence de l’Ordre dans les jurys, lui permettait, en quelque sorte, de mettre un pied dans le contrôle de la quantité d’architectes sortants, et cela me posait un souci en tant qu’étudiante. Et c’est encore le cas, bien que j’y participe, à ces jurys.
Il y avait aussi quand même la bataille sur les PPP, à laquelle j’avais participé de loin, qui m’avait bien sensibilisée sur le fait que l’Ordre c’était quand même un interlocuteur privilégié des Pouvoirs Publics, et que, si on voulait résister d’une manière ou d’une autre, il fallait porter une autre parole au sein de l’institution.
OdC – DpA existait, mais je me rappelle quand j’avais été invité à Rennes par l’Ordre de Bretagne à la tribune contre les PPP (ça remonte au passage de la loi en 2004 !!) un architecte rennais m’avait demandé : « DpA, ça vient d’où ? ». A peine avais-je commencé «du Comité pour les Etats Généraux de l’Architecture » : qu’il m’interrompt « ça y est, je vois très bien !». Cela faisait donc longtemps qu’il existait un foyer, ce Comité pour les Etats Généraux de l’Architecture dont beaucoup se souvenaient. Lorsque l’appellation s’est transformée en « Défense profession Architecte », cela s’est effectivement fait en relation avec ce que disent EB et JH,c’est-à-dire une détérioration soudaine et brutale de la situation des architectes. Donc le titre collait bien !
Mais, pourquoi avoir présenté une liste aux élections ?
Parce que on pouvait se demander : doit-on continuer notre petit « ronron » d’opposant ? Pendant un certain nombre d’années, il y avait eu ce qui pouvait apparaître comme une embellie pour l’architecture, du moins c’est ce qu’ont ressenti beaucoup d’architectes. La loi MOP : ils ont dit « tiens, ça y est, on nous traite mieux, on nous considère mieux, on peut utiliser le barème de la MIQCP qui faisait que les honoraires se tenaient, il y a de nombreux concours d’architecture où le critère premier c’est la qualité du projet. » Et ce, même si seule une frange (toujours la même entendait-on dire !) de la profession avait accès aux concours, il y avait un sentiment de choix démocratique du projet et qu’au fond le système pourrait s’améliorer. Aussi cela a été assez brutal quand tout à coup on a entendu : « il n’y a plus d’argent dans les caisses, il faut faire appel aux entreprises pour financer ». Donc les PPP et pour ce qui est des opérations qui restaient dans le domaine public, c’était l’abandon de la simple désignation d’un architecte sur ses réalisations, mais la mise en concurrence systématique avec l’interdiction d’une référence à un barème quelconque en particulier de la MIQCP. Et là, il s’est passé une chose très curieuse, on a vu l’Ordre, qui représentait les architectes, accompagner toutes ces mesures avec le Gouvernement, qui lui-même s’appuyait sur l’Ordre pour les faire passer. L’Ordre nous disait : « on va essayer d’améliorer… d’arranger les choses ! ». Par exemple, il disait : « avec les PPP on va essayer de faire un concours pour que ce soit le meilleur projet qui gagne ». Que des choses comme ça ! JH parlait de la situation des architectes, mais on sentait qu’au-delà de la situation des architectes, il y avait vraiment un problème de fond. L’architecture était de trop ! Il y avait les grands groupes qui pouvaient tolérer des projets d’exception, mais c’était eux qui décidaient et pour le tout-venant on avait le sentiment d’un rouleau compresseur ! Que pouvait-on faire ? Pendant longtemps, on avait l’impression qu’on ne pouvait rien faire, que le barrage que faisait l’Ordre était comme une espèce de montagne ! Et puis, tout-à-coup, on a eu le sentiment… moi, personnellement, j’ai eu ce sentiment lorsque j’étais à l’AG de Rennes : j’étais à côté du président de l’Ordre, qui haranguait les 200 architectes qui étaient venus du fin fond de la Bretagne « Bougez-vous et, après l’Ordre agira ! », aussi quand j’ai demandé au Président devant toute la salle, ne faut-il pas faire l’inverse et appeler à aller en manifestation nationale devant l’Assemblée le jour du passage de la loi, le président de l’Ordre s’est trouvé obligé de répondre : « ok, on ira en manifestation le jour du passage de la loi »… et puis, une fois rentré à Paris il a demandé aux CROA de se retrouver chacun dans sa région devant le siège de l’Ordre on n’est jamais allé en manifestation devant l’Assemblée ! Donc, je me rappelle très bien, le lendemain de l’AG, on avait dit « maintenant il faut construire DpA ». Il faut construire DpA, c’est-à-dire qu’il faut construire une force, pas simplement un « truc » d’opposition, qui dénonce, qui a des idées sûrement justes mais cela ne suffit pas. Il fallait quelque chose qui et qui, au bout du compte, constitue une force. Alors on a dit, « on commence par le b-a-ba », on se présente aux élections sur une plateforme claire. Et c’est comme ça qu’on a été élu, assez triomphalement d’ailleurs !
— Quelles difficultés et quelles satisfactions avez-vous rencontrées à ce moment là ?
OdC – Les ennuis ont commencé tout de suite !
EB – Les satisfactions ? Il n’y en a pas eu beaucoup !
Je ne pensais pas être élue, Personne ne pensait être élu. Surtout qu’on avait énormément de difficultés à l’époque, et c’est d’ailleurs encore le cas. On ne pouvait intervenir nulle part, on avait beaucoup de difficultés à faire campagne. Parce que quand vous êtes hégémonique au sein d’une institution, vous n’y pouvez rien, c’est plus facile pour vous… et puis le réseau qu’avait « Mouvement » était très important… nous, on était un petit « microbe » à côté ! Aujourd’hui on est toujours « microbe », on a juste un peu grandi…
Les conditions dans lesquelles se font les élections à l’Ordre, c’est-à-dire systématiquement au mois de septembre, au sortir de l’été, pour s’assurer qu’il n’y ait aucune campagne qui soit faite auprès des architectes non unifiés, qui n’appartiennent pas au réseau, ça c’est des vraies difficultés. Et on était une toute jeune association DpA, même s’il y avait eu le « Comité pour les Etats Généraux » qui était un peu connu, on n’était pas grand-chose ! Donc, on ne pensait pas… dans cette espèce de « mollesse » ambiante au moment des élections de 2010, qu’on avait la moindre chance. Et on envoyait des communiqués toutes les semaines, on avait des retours mais on ne sentait pas qu’il se passait quelque chose. On a rien vu venir ! On n’a pas été de grands visionnaires sur ce coup là ! [rire]
Et lorsqu’on a été élus, je me suis dit : « les architectes ont quelque chose à exprimer ». La situation est suffisamment grave pour que les confrères se disent : « il faut se mobiliser, se fédérer autour de quelque chose » Ça donne une grande responsabilité quand on est élu sur une profession de foi comme la nôtre.
JH – Mon problème est un peu différent : j’ai accepté d’apposer mon nom sur une liste électorale en souhaitant de ne pas être élu à l’Ordre. Il faut rappeler que les trois femmes de la liste DpA ont été plébiscitées dès le premier tour, seul(e)s élu(e)s de tous les candidats ! Il s’est passé ensuite un entre-deux tours conflictuel, voire belliqueux, de la part des « sortants », et on a eu moins de succès au deuxième tour avec deux autres élus DpA, deux hommes, parce qu’il n’y avait plus que des hommes sur la liste. Il n’y avait pas la parité à l’époque… à l’époque !
EB – A l’époque ! Et ça fait presque dix ans !
JH – Une fois élus, très minoritairement, j’ai vite compris qu’il nous fallait, en premier lieu, assurer les missions régaliennes ordinales, et, que l’on ne pourrait pas vraiment mener une action « politique ou sociale » pour la défense de la profession. J’ai un excellent souvenir de la première réunion qui s’appelait « déjeuner thématique », avec Bernard MAUPLOT, président, où nous étions là, les cinq élus DpA, avec une vingtaine d’élus « Mouvement ». Et, c’est vrai que je me suis dit : « tiens, là, on a abordé pas mal de sujets dont ceux qui me préoccupaient, comme la situation sociale des architectes ». J’ai d’ailleurs eu, à la suite, des félicitations d’élus « Mouvement ». Manifestement, c’était un discours qu’ils pouvaient entendre, mais, finalement, très vite, je me suis… on s’est rendu compte qu’on n’allait pas pouvoir mener une action politique, parce que minoritaire… et pas au bureau… pas membre.de commissions dans la première partie du mandat Nous avons alors organisé des réunions et une assemblée générale DpA. Il y avait pas mal de gens qui venaient après ces élections. Je me souviens d’une réunion, avec une cinquantaine d’archis présents, pendant laquelle il était dit qu’il n’y avait pas assez de travail qu’il fallait reconquérir des marchés comme celui d’archi en copropriété, par exemple…On a bien senti le malaise des architectes qui se manifestait, là, dans les assemblées de DpA. J’ai vite compris qu’il fallait militer au sein de DpA… poser des problématiques… écrire et diffuser des articles… mais aussi, faire entendre une voix un peu différente au Conseil de l’Ordre. Je me suis bien rendu compte qu’on ne pouvait pas être à l’Ordre sans être dans une association pour militer. On s’est rendu compte aussi qu’il fallait absolument fédérer, aller en régions, y rencontrer des architectes qui soient sensibles à la profession de foi qu’on avait établie pour les élections au CROAIF avec la liste DpA « douze architectes en colère ».
Nous sommes allés capter les revendications des architectes en régions, parce qu’on a senti qu’il fallait absolument que le mouvement prenne de l’ampleur lors des élections suivantes, et qu’on ne pouvait pas rester à trois ou cinq élus au CROAIF. Nous pensions, dorénavant, qu’il fallait avoir le plus de conseillers régionaux possible pour avoir une influence sur le Conseil National et la Tutelle. Nous avons présenté une liste DpA aux élections du CNOA, mais le mode de scrutin, au regard du nombre réduit de conseillers régionaux DpA ayant déjà siégé en CROA, nous a conduit à n’avoir aucun élu.
Mais, ce n’est que partie remise !
— Saviez-vous à quoi vous devriez faire face en étant minoritaire dans un conseil régional formaté par une majorité qui avait toujours exercée, seule, le pouvoir ?
EB – Non ! [rire]
JH – Quand on se présente on ne sait pas si on sera majoritaire ou minoritaire.
EB – Non, mais je me souviens d’une permanente de l’Ordre qui m’a dit : « c’est bien que vous soyez là » ; elle sous-entendait : « ça va nous apporter de la fraicheur ! » Pourtant, elle s’occupait d’une mission vraiment régalienne. Quand on est arrivé dans un conseil qui avait passé plusieurs mandats sans aucune opposition, nous étions regardés comme des extraterrestres ! Je me souviens qu’à chaque fois que je levais la main pour ouvrir la bouche, il y en avait la moitié qui se cachait sous la table, et d’autres qui pâlissaient en disant : « qu’est-ce qu’elle va encore nous sortir celle-là ! »
Mais, je pense aussi, qu’une action politique sans opposition ce n’est pas sain. À mon avis, ça devait « ronronner » pas mal… et le fait qu’on apporte une contradiction, ça leur permettait d’affirmer une direction beaucoup plus franche et plus nette, moins molle quoi ! Alors, ce n’est pas bien, et je ne suis pas contente de les avoir arrangés !
— Vous avez connu deux présidences, celle de Bernard MAUPLOT et celle de Jean-Michel DAQUIN qui sont issus de la même association. Avez-vous constaté une différence de gestion entre les deux équipes majoritaires qui se sont succédées de 2010 à 2013 et de 2014 à 2017 ?
JH – Oui… Il y a eu une différence assez nette entre les deux parties de mandat : c’est-à-dire les trois ans avec Bernard MAUPLOT, président, et les quatre années avec Jean-Michel DAQUIN, président. MAUPLOT n’avait pas « ses entrées » au CNOA pendant la précédente présidence de Lionel Carli. Il y a eu, plusieurs fois, des actions engageant la défense de la profession, sous une forme ou une autre. Je me souviens, par exemple, avoir monopolisé le débat pour demander qu’on instaure le vote à bulletin secret dans les concours d’architecture. Cette idée, après vote majoritaire du Conseil, avait été portée par le CROAIF… sans aucun écho au CNOA. Le CROAIF, était inaudible au Conseil national pour ce mandat.
Dans la deuxième partie du mandat, Catherine JACQUOT est présidente au CNOA, issue de la même mouvance que le nouveau président du CROAIF, Jean-Michel DAQUIN. Je ne suis pas là pour dire que c’était mieux avec untel ou avec untel, j’ai eu le sentiment que Jean-Michel DAQUIN était plus démocrate dans sa gestion vis-à-vis de l’ensemble des élus. Enfin, je ne veux pas non plus, porter ombrage sur Bernard MAUPLOT… je pense que c’est vraiment deux ambiances complètement différentes.
Dans la première partie de mandat, il y avait les « éléphants » de Mouvement… ensuite il y a eu beaucoup plus de jeunes. Lors de ma première conciliation, un nouvel élu m’a demandé s’il pouvait venir écouter comment cela se passait. On avait une « expérience » par rapport à eux, et cela semblait modifier un peu, la donne. D’ailleurs, Jean-Michel DAQUIN m’a demandé de faire partie de deux commissions importantes : la commission de déontologie, et celle des marchés publics. J’ai accepté sans hésiter, parce que je me sentais plus à l’aise dans l’ordre des architectes. Au départ, on ignorait tout !
L’ambiance était donc différente entre les deux parties de mandat, avec un diagnostic partagé par tous sur la crise de l’architecture, plutôt après 2013 et les futures difficultés législatives qui sourdaient. La transposition des directives européennes, dans le nouveau code, inquiétaient. Les débats dépassaient les clivages. Au-delà du clivage « Mouvement/DpA », on constatait des sensibilités assez différentes dans les élus de la majorité du Conseil ! Je pense que nous n’avons pas suffisamment tiré parti de cette situation dans les « questions diverses » à l’ordre du jour de chaque Conseil, et qui était le moment des questions politiques, d’actualité… On y a toujours pris la parole, notamment OdC et EB, quand ce n’est pas nous qui posions le sujet sur la table… mais le bilan reste mesuré du fait de notre position minoritaire et hors du bureau.
J’ai préféré la deuxième partie de mandat, à la fois, bizarrement plus léger au regard de la crise, mais aussi plus démocratique. J’étais membre permanent de deux commissions, même si je ne peux pas dire que j’y étais totalement influent. Il y eu plus de tolérance, peut être aussi, parce que les élections en régions nous avaient donné une certaine légitimité… avec quarante élus en régions. Comme disait OdC tout à l’heure, il y a eu une volonté de constituer une force avec DpA après les « Etats Généraux pour l’Architecture ». L’élection de quarante élus en régions est un symbole de cette force en devenir. On a, probablement, profité de cette « aura » dans le deuxième mandat. On était moins méprisés et nos prises de positions étaient plus couramment admises. Certains élus « Mouvement » m’ont dit parfois : « c’est intéressant ce que disent OdC et EB, c’est intéressant ! ».
OdC – Au début, quand on prononçait le mot « barème », l’ensemble des élus se mettait comme dit EB sous la table et pissait de rire, ou ricanait. C’est vrai qu’au deuxième mandat, les choses ont évolué, on a entendu des élus reprendre le mot « barème », ce n’est plus un mot tabou, et c’est vrai que c’est un signe – non pas de la force qu’aurait eu DpA – mais un signe de la situation qui a vu le sort des architectes empirer car ça a été mesure catastrophique sur mesure catastrophique.
La différence de style entre les deux mandats et entre les différents présidents du CROAIF ou du National relève de l’évolution de cette situation. Pendant un temps certains ont pensé qu’ils allaient passer entre les gouttes, sauf que l’entonnoir s’est un peu rétréci, les concours se sont étiolés et cela a posé un problème pour des gens comme Mouvement. C’est que, distribuer des concours… il n’y en avait plus à distribuer, ça fait des problèmes ! Donc, il y a eu toute une série de choses, ce qui fait que, à un moment donné, ils ne pouvaient pas continuer à diriger l’Ordre comme ils l’ont fait à une époque, il fallait plus d’habileté, plus de… il fallait associer les gens, il fallait… essayer de faire quelque chose.
D’où la loi CAP ! Qui est une tentative extraordinaire d’endormissement et d’association de tout le monde. On va faire, ensemble, les choses, et tout le monde va être très content, alors que la loi CAP, non seulement elle n’apporte rien, mais elle ne fait rien d’autre qu’entériner un statut quo ! Et la loi CAP, un jour, on s’apercevra que c’est un scandale ! Voilà. Et pour l’instant, pour tout le monde, il est de bon ton de dire que la loi CAP c’est sympa, voilà, c’est comme ça ! On croit rêver…
Donc, moi je pense que, quand on veut parler de bilan, on se pose la question. Ce qu’on a fait, c’est utile ? Ce n’est pas utile ? Fallait le faire ? Fallait ne pas le faire ?
— Considérez-vous avoir pu réaliser des éléments de votre programme ?
OdC – Mais non ! On ne risquait pas de l’appliquer ! Parce que les forces qui sont contre ce programme… Voyez ce qui c’est passé sur la question du seuil, quand même, c’est extraordinaire !
Dix-huit mille architectes signent une pétition, et il suffit que les promoteurs qui font les lotissements aillent au ministère réclamer: « vous les calmez et vous nous laissez faire notre sauce ! ». Pas de problème, le Ministère va arranger le coup, et l’Ordre va crier « victoire » quand le seuil revient à 150m², c’est-à-dire aux 170m² d’avant ! C’est hallucinant !
Un jour, on écrira ça quand même, comment le Gouvernement peut-il faire ça sans l’aide de l’Ordre ? Ce n’est pas possible ! Le Gouvernement n’a pu faire passer les PPP qu’avec l’aide de l’Ordre ! Il ne devait pas y avoir opposition de l’Ordre ! Il n’y a même pas eu d’opposition de principe !
À suivre dans le prochain numéro !