DpA, Paris le 20/04/11
« Je peux vous rassurer… sur la question du seuil du permis (toujours 170 m2) pour le recours à un architecte : il n’y aura pas de modification sur ce point »
Qui Benoîst Apparu, secrétaire d’Etat au logement, intervenant devant la Capeb cherche-t-il à rassurer : ses auditeurs ou lui-même au moment où le cap des 2 000 signatures d’architectes réclamant précisément la suppression de ce seuil est franchi et d’où lui vient une telle assurance ?
Tout récemment, quelques députés et sénateurs se sont alarmés dans une action de lobbying concertée auprès du ministre de la culture en développant trois types d’arguments auxquels l’un de nos confrères propose des réponses :
1 / le surcoût engendré par le recours à l’architecte n’est pas tenable parce qu’il serait un frein à la politique d’accession à la propriété du plus grand nombre :
La question du logement social, notamment en matière de maisons individuelles doit être à notre avis une préoccupation des pouvoirs publics. L’accession à la propriété pour les plus défavorisés est un piège financier qui enferme les familles dans une course à l’emprunt. L’accession sociale à la propriété pour le plus grand nombre peut se faire de manière plus sociale et encadrée par la réalisation de logements dits en location/accession type PSLA par exemple… évitant les mirages des maisons à 100 000 € dont chacun sait que le coût est toujours supérieur in fine et la charge foncière très pénalisante après une durée de 20 à 25 années de remboursements.
1 bis / le surcoût engendré par le recours à l’architecte n’est pas tenable parce qu’il serait un frein à la réalisation des objectifs du Grenelle environnement :
Non, cela n’est pas l’avis des architectes, bien au contraire ! Les lotissements actuels dispendieux en surface et «abîmant» les paysages péri-urbains et anciennement agricoles ne sont pas acceptables au regard du Grenelle. Une prise en compte de meilleures densités, la création d’espaces publics qualifiés dans de véritables plans masse nous paraît mieux adaptée aux exigences du Grenelle.
2 / l’abaissement du seuil des 170 m2 mettrait en péril l’activité des sociétés coopératives artisanales et des artisans :
Nous nous inscrivons en faux et au contraire affirmons que la production sur catalogue favorise l’appauvrissement du savoir faire et que le souci de qualité architecturale, en maisons individuelles ou en habitat groupé intermédiaire, favoriserait l’essor des entreprises artisanales et l’approfondissement de leur savoir faire. Pour sauvegarder celui-ci, il faut promouvoir la construction d’ouvrages non standards et ne pas encourager les maisons uniformisées choisies sur catalogue.
3 / le recours obligatoire à l’architecte constitue une menace pour les constructeurs de maisons individuelles :
Les constructeurs de maisons individuelles devront s’adapter à une situation enthousiasmante de maître d’ouvrage durable en partenariat avec les collectivités territoriales et les pouvoirs publics. Ils seront donneurs d’ordres à des maîtres d’œuvre architectes accompagnés ou non d’urbanistes ou de paysagistes qui oeuvreront pour la qualité de l’environnement, la mise en valeur des situations urbaines ou rurales et un renouveau de l’architecture en zone péri-urbaine. Un espoir partagé pour notre pays.
Déjà fin 2009 , deux parlementaires concluaient un rapport au gouvernement sur la performance énergétique des bâtiments :
« Vos rapporteurs se sont interrogés sur l’intérêt d’aménager la dérogation des 170 m2… et ont ainsi pu vérifier… qu’il existerait une offre de services potentielle de la part de jeunes architectes, de surcroît véritablement motivés par la construction à basse consommation, si le marché des petites constructions s’ouvrait du fait de l’abaissement du plafond de dérogation… Vos rapporteurs pensent que… l’implication des architectes constituerait plutôt un atout pour la réussite du déploiement de la construction à basse consommation ».
Le 4 décembre dernier DpA tenait une assemblée aux Récollets, laquelle décidait après discussion de lancer une campagne pour l’abrogation du seuil. Ce 26 mars, une nouvelle assemblée tenue à la SFA constatait le succés de cette campagne et décidait :
- De demander au président du Croaif de prendre position sur cette question.
- D’aller à la rencontre des présidents de conseils régionaux de l’Ordre à l’entrée de la conférence des régions du 8 avril tour Montparnasse. Si ce contact n’a pu se matérialiser, la délégation de DpA a pu prendre rendez-vous avec Lionel Carli, président du Cnoa pour le jeudi 28 avril prochain.
- D’écrire à Nathalie Kosciusko Morizet, ministre du logement et de l’écologie.
- D’adresser à notre Ministre de tutelle, Frédéric Miterrand, une demande de rendez-vous qui puisse avoir lieu avant l’été.
Lors d’une rencontre récente aux Récollets, Bernard Mauplot président du Croaif, indiquait : « on ne peut ignorer cette question ». D’autre part, à certains qui faisaient valoir que que jamais le surcoût généré par la suppression du seuil ne pourrait être pris en charge par l’Etat car les caisses étaient vides, le président du Croaif répondait « quand l’Etat vote une loi, il peut se donner les moyens ».
Si on ne peut qu’être d’accord avec cette appréciation, comment ne pas s’étonner du refus de demander l’abrogation au motif « qu’on irait dans le mur », comment comprendre la proposition de se lancer dans le lobbying pour réclamer une incitation fiscale assortie d’un plaidoyer pour l’architecte qui doit démontrer son utilité ?
A l’Unsfa qui l’interroge sur ses orientations, Lionel Carli, président du Cnoa, affirme sur la même longueur d’ondes, vouloir « positionner l’architecte en démontrant son utilité sociale » – propos à rapprocher de son interview récente au Moniteur sur l’incapacité d’un architecte isolé à défendre la qualité architecturale.
Si être architecte signifie qu’on est incapable et qu’on doit, isolé ou pas, démontrer en permanence notre utilité, si revendiquer la suppression d’une dérogation injustifiée, c’est aller dans le mur, et si on doit attendre que des amateurs d’architecture inspirés fassent, grâce à une incitation fiscale, appel à un architecte, comment s’étonner de la désinvolture d’un secrétaire d’état, balayant d’un revers de main la revendication qui vient en tête des préoccupations d’une profession prise dans son ensemble ?
Le nombre significatif de signatures récoltées, l’implication de confrères, d’élus et de personnalités réputés dans cette bataille redonne à cette profession, qui l’avait perdu, un sentiment de confiance et de solidarité qui appelle la poursuite de cette action.
Les signataires avec DpA tiendront une assemblée en mai prochain pour :
- Rendre compte de la démarche auprès de Lionel Carli Président du Cnoa
- Faire le point de la campagne, en particulier, de l’organisation des réunions en province
- Préparer la délégation au Ministère de la Culture
seuil des 170m², déclaration des 40m², problème des labels énergétiques qui cachent des labels purement commerciaux, surcoût et inadaptation du « pavillonnaire sur catalogue »… peut être serait-il temps, pour défendre la profession, l’Architecture, mais aussi notre clientèle, d’être visible dans les médias autres que professionnels (parler entre nous et dire des choses que nous savons tous déjà ne sert plus à rien). Si l’Architecture est d’intérêt public, adressons-nous au public pour défendre ses intérêts. Ce ne sont pas les émissions ou JT qui manquent…