contribution de Jacques Hesters, architecte, élu DpA
La loi sur l’architecture de 1977 inscrit dans le marbre que l’architecture est d’intérêt public. La loi indique toutefois un seuil de 170m² en dessous duquel le recours à l’architecte n’est pas obligatoire dans le cadre de la demande de permis de construire.
Par ailleurs, notre pays souffre de la paupérisation des zones périurbaines tant en Ile de France qu’en régions.
Les paysages et quartiers, aux confins de nos villes et villages français, s’abîment années après années sans que la société ne trouve de remèdes et bien que chacun s’émeuve de cette dégradation de notre environnement. L’inflation des grandes surfaces et des zones d’activités ethnocidées le week-end, le mitage pavillonnaire et l’absence de qualité architecturale et d’usage des maisons qui s’y construisent orchestrent une catastrophe nationale. L’espace public et toute vie sociale y sont exsangues.
La question du logement est sous jacente à cette situation urbanistique anarchique, opportuniste.
Pour se loger, la majeure partie des français semblent avoir un choix contrasté: soit habiter un immeuble collectif (la plupart du temps incongru dans les faubourgs des villes et villages) soit une maison sur catalogue inscrite dans un lotissement fonctionnant en vase clos et de qualité médiocre.
Il est quasiment impossible pour une famille, qui veut construire sa maison, de trouver un terrain. Les constructeurs pavillonnaires et autres bâtisseurs s’organisant en toute impunité pour se voir réserver toutes acquisitions de terrains à bâtir.
Parallèlement, à cette situation sociétale et culturelle consternante pour notre beau pays, la situation des architectes est fragilisée par la crise économique. La presse s’est fait l’écho récemment d’un sondage, commandé par l’Ordre, dont les résultats seraient alarmants pour cette profession.
Face à ces constats, il semble d’actualité, voire indispensable, que l’état engage une réforme adaptée de la loi sur l’architecture de 77 en abrogeant notamment le seuil de 170 M².
Cette modification de la loi aurait pour bienfait une sensibilisation à la qualité architecturale et permettrait aux petites agences d’accéder à la commande. Il ne peut être évoqué ici, en détail, la question du barème des honoraires adaptés pour les maîtres d’œuvre et la question des aides de l’état par défiscalisation pour « financer » le surcoût dû à ces honoraires. Ces questions seraient à établir par le législateur selon un cadre juridique approprié.
L’abrogation du seuil obligerait les promoteurs à faire appel aux architectes pour plus de qualité urbaine, architecturale et paysagère. La demande légitime en matière de logement individuel par les classes sociales les plus défavorisées, offrirait une nouvelle opportunité pour les bailleurs sociaux et offices d’Hlm de se saisir de la question du logement individuel ou intermédiaire : Les modes de financement (PSLA par exemple) apportant une solution sociale aux attentes des concitoyens et favorisant la mixité sociale des quartiers. Ce nouvel urbanisme, plus dense et nécessairement plus écologique, est opérationnel depuis de nombreuses années dans certains pays d’Europe : Pays-Bas, Allemagne, Autriche, pays scandinaves…notamment. La France est encore frileuse, mais malgré l’hégémonie pavillonnaire, certains élus et bailleurs sociaux se mobilisent toutefois pour réaliser des opérations mixtes (petits collectifs, intermédiaires et individuels groupés) afin d’ouvrir l’offre en matière de logement tant du point de vue social, typologique, urbanistique qu’en matière de paysagement et de développement durable.
La question du seuil des 170 m² se pose tacitement pour l’ensemble des constructions individuelles privées, mais au delà devrait avoir un impact pour l’ensemble des constructions en matière de logements pour une meilleure densité de nos villes et de nos quartiers, déjouant le piège actuel de l’étalement pavillonnaire et des immeubles collectifs souvent décriés : A l’instar de certains pays européens, une autre voie est possible pour notre pays.