L’Autorité de la concurrence a prononcé une sanction de 1 500 000 euros à l’encontre de l’Ordre des Architectes au motif que, via les conseils régionaux des Hauts-de-France, du Centre-Val de Loire , d’Occitanie et de Provence-Alpes-Côte d’Azur, « il avait procédé à la diffusion de la méthode de calcul d’honoraires indiquée par la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (« MIQCP ») en vue d’imposer aux architectes le respect d’un barème (d’une méthode) tarifaire. »
Cette décision s’appuie sur l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et du code de commerce (articles L420-1 à L420-7).
Ces différents textes concernent entre autres « toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres » et « les entreprises soumises au code du commerce. »
Sur le plan déontologique, on pourrait contester que les prestations des architectes soient considérées comme des marchandises soumises à la loi du marché. De ce point de vue, elles n’ont rien à voir avec le code du commerce.
La loi du marché est soumise à l’évolution de l’offre et de la demande. Pour l’architecture, se soumettre à la loi du marché c’est admettre que la baisse des constructions entrainerait moins de recours à l’architecte, et donc un trop plein d’architectes par rapport à la demande, signifiant que le prix de leurs prestations devrait baisser pour s’adapter au marché ! Quelle ineptie !
Faudrait-il accepter sans discuter les dispositions d’une directive Européenne contestable non seulement sur son contenu libéral sans objet dans le domaine de la conception et de la qualité architecturale, étrangères à des critères commerciaux, mais aussi dans son interprétation puisque l’article L420-4 du code du commerce précise que ces dispositions ne s’appliquent pas si elles « résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour son application » et si « les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d’emplois »
Un « texte législatif ou règlementaire » permettrait d’échapper à cette directive ? Mais qu’à cela ne tienne ! Depuis le temps que les textes se succèdent de la loi Cap à la loi Elan, pourquoi ne pas avoir légiféré sur la spécificité des prestations architecturales au nom de la qualité des constructions au service de tous ?
Mais au fait, le barème indicatif de la Miqcp qui est mis en cause n’est-il pas déjà l’émanation d’une institution issue des services de l’Etat ? N’est-ce pas l’Etat qui a mis en place la loi sur l’Architecture, notre code de déontologie et qui a laissé publier le fameux barème de la Miqcp ?
Mais au fait, cette loi de 1977 n’a-t-elle pas déclaré l’Architecture d’utilité publique donc non commerciale ?
Mais au fait, la profession d’architecte n’est-elle pas règlementée ?
Pour échapper à cette directive, il suffirait de justifier de motifs de « progrès économique et de création ou de maintien d’emplois ». Y aurait-il une quelconque difficulté à justifier qu’il s’agit de défendre des emplois alors que la profession est frappée de plein fouet par un contexte de diminution de la commande publique et par les réformes successives qui ont diminué le recours obligatoire à l’architecte pourtant affirmé dans la loi de 1977 ?
Trop c’est trop !
Les architectes ne sauraient se soumettre à ce nouveau coup de Jarnac contre les architectes et contre l’architecture ! On ne tire pas sur une ambulance comme chacun le sait !
DpA a de longue date défendu la nécessité d’un barème plancher seul à même de lutter contre le dumping mortifère des honoraires. Nous soutenons sans réserve ceux qui, comme l’UNSFA ou d’autres, se sont élevés contre cette décision portant un nouveau coup à la profession.
N’est-il pas temps de relancer le débat sur la nécessité du barème plancher, seul à même de lutter efficacement contre le dumping des honoraires qui tue notre profession à petit feu ?
bonjour
Je suis d’accord avec votre article. Il s’agirait de le faire comprendre également à la presse, et notamment au Canard enchainé, qui vient de publier un encart à ce sujet. Visiblement le journaliste pense encore que nous vivons encore à l’ère pompidolienne et semble mal informé. Leur transmettre votre article serait l’occasion de leur faire comprendre l’uberisation de notre profession.
bien cordialement,