Le 24 novembre dernier, le gouvernement a publié le texte définitif de la loi ELAN.
Après un an de mobilisation de la profession, la loi est passée malgré la stratégie de l’ordre national pour porter des amendements censés « adoucir » le texte, elle est passée en ne faisant aucune concession significative à notre profession !
Sur le site du ministère de la cohésion et des territoires, Julien de Normandie et Jacqueline Gouraud affirment : « Avec la loi ELAN, nous porterons des solutions concrètes pour le logement : simplifier les normes de construction [au moins on ne perdra plus de temps à se demander pourquoi les immeubles s’effondrent à Marseille ou ailleurs], améliorer l’accès au logement [pas pour les PMR en tout cas], notamment pour les personnes les plus fragiles, soutenir la rénovation des bâtiments et accompagner les collectivités dans la redynamisation de leurs territoires [en vendant les actifs les plus rentables aux foncières, les collectivités auront ainsi un peu d’argent pour financer le départ des derniers fonctionnaires]. Ce sont autant d’engagements pris pour améliorer le cadre de vie des français [des plus riches, ça c’est sûr !]. »
C’est à se demander pourquoi les architectes, les associations d’handicapés, les associations de locataires et de mal-logés se sont levés contre cette loi qui semble porter autant de bonnes intentions.
- La loi ELAN doit simplifier les normes de construction. Qui dans notre profession pourrait s’opposer à cela ? Alors que nous passons de plus en plus de temps à digérer puis appliquer le plus intelligemment possible des normes qui se complexifient et se contredisent. Le tout sans dénaturer nos projets et pour des honoraires toujours plus bas !
Mais rien n’est précisé dans la loi ELAN à ce sujet. On ne peut que se reporter aux annonces brutales de Julien de Normandie qui veut « arracher une page sur cinq » du code de la construction. Quel est son but ? Améliorer le cadre de vie en mettant plus d’intelligence dans les projets ou éviter des complications aux promoteurs pour leur dégager des marges ? Le drame de la tour Grenfeld à Londres nous rappelle ce que donne ce genre de politiques ultra-libérales sur les normes de construction et quelles en sont les conséquences sur le cadre de vie des habitants !
Et s’il n’y a plus de normes, qui garantira les constructions ? Quelles seront les conséquences sur les polices d’assurances des architectes ?
Rappelons ici que le rôle premier des normes est de protéger le consommateur en lui garantissant in fine un produit correspondant à son intention d’achat (imaginons le petit cochon croyant acheter une solide maison en pierre pour se protéger du loup et se retrouvant avec une maison en paille…). - La loi ELAN va-t-elle améliorer l’accès au logement ? Et particulièrement des plus fragiles ?
Les ménages les plus démunis ne peuvent accéder à un logement décent que dans le parc social. En ponctionnant 1,5 milliards d’euros aux bailleurs sociaux, le gouvernement les empêche de construire. Pire, avec la loi Elan il va les obliger à vendre 1% de leur patrimoine tous les ans. Ce sont autant de logements qui vont passer dans le giron du privé. À qui seront-ils accessibles ?
C’est une vieille recette qui n’a jamais réussi qu’à fabriquer des copropriétés dégradées, ces expériences ont démontré qu’en vendant un logement on n’arrivait pas à en construire trois avec l’argent de la vente (On en fait un tout au plus, et avec 1,5 milliards de moins dans les caisses…)
En outre la loi ELAN va forcer les bailleurs sociaux à se regrouper s’ils ont moins de 12 000 logements, c’est la fin des petits bailleurs municipaux, de la gestion locale au plus près des locataires. Il faut se regrouper et faire des économies d’échelle !
Nombreux étaient les jeunes architectes qui accédaient à une première commande publique de quelques logements chez ces petits bailleurs. Avec ELAN, plus de petits bailleurs, plus de petite commande et plus de commande publique ! - Enfin la loi ELAN va-t-elle vraiment soutenir la rénovation des bâtiments et accompagner les collectivités dans la redynamisation de leurs territoires ?
En retirant le droit de veto aux maires qui pouvaient s’opposer à la vente des HLM sur leur commune ?
Grâce aux GOU ? Ces Grandes Opérations d’Urbanisme qui se passeront de l’avis des maires pour exister et qui pourront s’affranchir de nombreuses législations et réglementations ?
Grâce aux Partenariats Publics d’Aménagements (PPA) qui prévoient la privatisation de l’aménagement ?
En généralisant les conception-réalisations ? Pour que les architectes ne soient plus maîtres de leurs projets ni garants de la qualité architecturale ?
En se passant des concours pour le logement (comme dans les GOU d’ailleurs) ?
On assiste à une ubérisation du logement. Comme pour le reste, ce gouvernement cherche à supprimer les règles qui faisaient société. Notre profession pourra certainement s’adapter, mais de nombreuses petites agences fermeront et ceux qui resteront seront toujours plus dépendantes des grosses entreprises ou promoteurs et l’accès à la commande sera toujours plus limité.
Mais nous avons réagi, nous avons dit NON à cette loi ! Avec force devant les grilles de notre ministère de tutelle au printemps dernier. Cela laissera des traces, nous n’avons pas gagné cette fois mais cet épisode a démontré que la mobilisation est aujourd’hui plus que jamais primordiale pour engager la résistance que nous ne manquerons pas de poursuivre, car il en va de l’avenir de notre profession et de l’intérêt public.
L’actualité récente nous montre que ce n’est que lorsque le rapport de force ne lui est pas favorable, que l’exécutif recule et reconsidère ses positions. Face à un gouvernement qui veut ubériser les architectes, RESISTONS !
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