Réponse à Thierry van de Wyngaert (article paru dans la rubrique « Débats » dans le n°40 des Cahiers de la profession)
Se sentant concerné par votre introduction d’article, le Collectif DpA souhaite préciser qu’il ne demande pas la suppression de la loi de 1977, bien au contraire ! Notre collectif d’architectes, ainsi que les 2200 personnes qui ont signé la pétition pour l’abrogation du seuil, souhaitent renforcer la loi de 1977 en revenant à son texte d’origine. Le texte d’origine considérait les paysages et toutes constructions d’intérêt public.
Par ailleurs s’il faut vous le préciser, nous ne nous cantonnons pas à cette revendication et nous militons pour l’émergence d’une politique plus cohérente en matière d’urbanisme et de production du logement. Certains membres de notre collectif sont parmi les initiateurs d’un appel « le Cri d’alarme des architectes pour la construction d’un million de logements… » lancé il y a quelques temps et qui avait recueilli quelques 1 300 signatures dont beaucoup vous sont familières, d’architectes, d’urbanistes, d’acteurs du cadre bâti ainsi que de nombreux élus.
La pétition pour l’abrogation du seuil est un « pavé dans la marre » dans le débat sur l’aménagement du territoire. Aménagement du territoire que nous jugeons opportuniste et catastrophique pour les zones périurbaines de notre pays (Grands surfaces bien souvent exonérées de contrôle de conformité; surfaces commerciales aux enseignes ostentatoires; zones d’activités tertiaires mono fonctionnelles et inévitablement ethnocidées les soirs et week-end; quasi monopole des pavillonneurs avec maison sur catalogues….etc)
Il faut ajouter que tout cela contribue au fait que seuls 20% des constructions sont signées par des architectes. L’architecte qui pourtant est un garant de l’intérêt public décrété par la loi de 1977. Ce dernier point consterne d’ailleurs majoritairement les français, de tous horizons, qui s’en offusquent lors de nos discussions et débats.
Nous pensons que le seuil est à la charnière de tout ce système bien réglé (avec les lobbyings que l’on connaît) et que toute demande de permis de construire devrait être signée par un architecte.
Vous espérez, Thierry, que les architectes soient accompagnateurs de projets auprès des élus, et c’est bien évidemment un souhait que nous partageons. Il en sera de même pour les urbanistes et les paysagistes, qui si le seuil était aboli, verraient leur champ d’action redéployé, pour un aménagement du territoire mieux réfléchi et plus environnemental. Tous nos amis architectes conseils de l’état nous confient qu’ils constatent une véritable carence d’urbanisme, d’architecture et de paysage dans les régions et notamment dans les projets validés par les municipalités des petites villes et villages. Cette « inculture » doit être atténuée par une programmation plus ouverte aux thèses de ces professionnels auxquels les élus notamment députés et sénateurs se référaient il y a peu pour la mise en place du Grenelle de l’environnement dans le cadre de l’aménagement du territoire.
Enfin Thierry, nous sommes bien évidemment d’accord sur le dernier paragraphe de votre article car nous pensons que le savoir-faire de l’architecte est au service de la société et que son influence ne doit pas se limiter aux seules agglomérations structurées politiquement et juridiquement en matière d’aménagement du cadre bâti. L’architecte, comme ses partenaires urbanistes et paysagistes, doit pouvoir œuvrer dans les petites villes et villages pour un aménagement harmonieux du paysage français… il faut du paysage et de l’architecture partout!
Cela n’est pas contradictoire avec l’obligation du recours à un architecte pour aider à atteindre cet objectif, bien au contraire! Comment ne pas s’interroger sur la signification du débat voulu par le Président de l’Ordre et que vous initiez avec votre article, si la suppression du seuil de 170 m2 devient un sujet tabou ? S’agit-il de diluer la première revendication de la profession suivant le sondage IFOP (commandé par le CNOA en 2010) dans un discours moral qui nous fasse oublier ce pourquoi une forte majorité d’architectes est en train de se mobiliser ?
Nous ne voulons pas le penser et continuerons à œuvrer pour souder la profession sur la pétition initiée par DpA que nous irons porter au Ministère, avec ceux des élus, et ils sont nombreux, qui se prononcent sur cette revendication.
Jacques Hesters / Collectif DpA